DÉMARCHE
Les marches exploratoires – expérimenter l’art autrement
Les marches exploratoires A.P.A. sont nées d’un constat simple : l’art public, omniprésent dans nos villes, demeure largement inaccessible aux personnes vivant avec une déficience visuelle.
En collaboration avec le RAAMM, l’INCA et le CHUM, nous avons initié des parcours sensoriels permettant à des participant·e·s aveugles, malvoyant·e·s et voyant·e·s les yeux bandés de découvrir les œuvres d’art par le toucher, l’écoute et le déplacement.
Ces marches ne visent pas la performance sensorielle, mais l’éveil d’une perception plurielle.
Elles questionnent : comment un espace, un matériau, une vibration sonore ou un souffle d’air deviennent-ils porteurs d’émotion esthétique ?
En plaçant la diversité des perceptions au cœur de l’expérience artistique, A.P.A. propose une autre manière d’habiter la ville — par le corps, le son et le mouvement.
Chaque marche devient ainsi un laboratoire vivant, où s’expérimentent les liens entre les sens, les œuvres et l’espace urbain.
Les retours des participant·e·s nourrissent une réflexion collective sur l’accessibilité culturelle, mais aussi sur la façon dont le sensible façonne notre relation au monde.
Du terrain à la création d’un dispositif sonore
Au fil des marches, une évidence s’est imposée :
le son est un médium naturel de navigation, d’émotion et de mémoire.
Les participant·e·s décrivaient comment les sons — un pas, une résonance, le vent entre deux surfaces — leur permettaient de cartographier mentalement l’espace, d’en percevoir les volumes, les distances, les textures.
Ces expériences ont révélé un potentiel inédit : celui de penser l’art public comme une expérience sonore et spatiale, capable d’évoluer selon la présence et le mouvement de chacun.
De cette intuition est née l’idée d’un dispositif sonore contextuel, inspiré du fonctionnement cognitif des personnes vivant avec une déficience visuelle.
Le dispositif s’appuie sur une stratégie sensorielle qui soutient trois notions clés :
- le positionnement, pour situer son corps dans l’espace ;
- la direction, pour orienter le mouvement et l’attention ;
- la mémorisation spatiale, pour créer une continuité perceptive entre les sons, les formes et les lieux.
Il ne s’agit pas d’un audioguide, mais d’un système vivant, une partition réactive qui s’adapte à la distance, au contexte sonore et au rythme de chaque usager.
Son rôle n’est pas de guider, mais d’accompagner l’écoute, d’ouvrir un dialogue entre le corps, l’espace et le son.
L’objectif : permettre à toute personne — voyante ou non-voyante — de faire l’expérience d’une œuvre par la spatialité, la vibration et la résonance, en redéfinissant les contours mêmes de l’expérience esthétique.
Ainsi, A.P.A. devient un terrain d’expérimentation où la technologie s’inspire du vivant, et où l’art public devient un espace de perception partagée.
Une continuité entre art, perception et contenant
Au cœur de ma pratique, le contenant est une métaphore du monde sensible.
Je l’explore à travers la sculpture et l’installation comme un espace de résonance, un lieu où la lumière, la matière et le vide dialoguent.
Le contenant, c’est ce qui accueille — une forme, une présence, une émotion — mais aussi ce qui rend perceptible l’invisible.
Avec le projet A.P.A. – Art Public Accessible, cette recherche s’élargit : le contenant n’est plus seulement un espace matériel, mais un champ perceptif.
Le son, le toucher, la vibration deviennent à leur tour des contenants immatériels, capables de transmettre une expérience esthétique à travers le corps et la mémoire sensorielle.
L’écoute devient un espace à habiter, une matière à sculpter.
Ainsi, A.P.A. prolonge ma démarche en déplaçant la question du regard vers celle de la présence multisensorielle.
Il s’agit de créer des œuvres qui ne se donnent pas seulement à voir, mais à éprouver : des œuvres qui accueillent la diversité des perceptions, qui intègrent la fragilité, le mouvement, et la cohabitation des sens.
Dans cette perspective, l’art n’est plus une surface à observer, mais un milieu à traverser — un espace où le contenant devient le monde lui-même, continuellement façonné par nos sens, nos corps et nos imaginaires.
Contributeurs
RAAMMINCA
CHUM
Témoignages
« J’ai adoré l’œuvre en bois, j’ai pu en garder la forme et la grandeur en mémoire. » –
Fadhila R., participante de l’INCA
« L’environnement sonore m’a enveloppée, c’était une sensation presque organique. »
– Suzanne L., participante du RAAMM
« Une expérience humaine et sensorielle très précieuse. »
– Marie L-G., artiste chorégraphe
Last Updated 24.10.31